La BD à tous les étages : ART SPIEGELMAN

Art Spiegelman et l’Éveil du Neuvième Art : Quand le Centre Pompidou Célèbre l'Héritage Underground de la BD

 

Le Centre Pompidou a ouvert ses portes au neuvième art d’une façon insolite et met en lumière les figures incontournables de la BD à travers l’histoire. Art Spiegelman en fait partie.

Art Spiegelman, l'illustre auteur du roman graphique Maus, est également une figure emblématique de la bande dessinée underground américaine. Dans un entretien mis en avant par le Centre Pompidou, il retrace ses débuts dans les années 1960 et explique l'influence majeure de l'underground sur la bande dessinée grand public.

 

L'appel de l'aventure et la libération de l'expression

Spiegelman attribue son immersion dans la bande dessinée underground à un "appel à l'aventure". Cette époque était marquée par l'émergence de technologies innovantes qui libéraient les esprits et les corps : la pilule contraceptive et le LSD. L'imprimerie, grâce à la reproduction de masse à bas coût, remplaçait les imposantes presses des grands journaux.

Mais c'est surtout la possibilité de s'exprimer librement qui attirait Spiegelman. Les bandes dessinées traditionnelles, sous le joug de la censure des années 1950, étaient devenues stéréotypées et sérieuses. Des œuvres avaient été détruites et des auditions au Sénat avaient été organisées pour dénoncer les dangers de la bande dessinée aux États-Unis.

 
La BD à tous les étages

Une première expérience formatrice

Suivant des cours de bande dessinée dans son lycée d'art, Spiegelman réalise un devoir consistant à créer trois jours de bande dessinée pour un journal quotidien. Un ancien élève, devenu rédacteur en chef d'une agence de presse, le remarque et lui propose un poste de chroniqueur.

Si cette offre représentait la version la mieux payée et la plus prestigieuse du métier d'auteur de BD, Spiegelman, à peine âgé de 17 ans, ressent rapidement l'étouffement de la routine. Il aspire à découvrir son propre style et à explorer de nouveaux horizons.

 

L'éclosion de la bande dessinée underground

C'est précisément à cette période que naît la bande dessinée underground, en réaction à la censure des années 1950. Comme un baiser à Blanche-Neige, les comics underground réveillent la bande dessinée après son long sommeil imposé par le "Comics Code" répressif.

Une nouvelle génération d'auteurs, dont Spiegelman fait partie, aspire à un espace de liberté d'expression. Ils créent leur propre communauté, s'affranchissant des contraintes éditoriales traditionnelles. Cette liberté permet l'expérimentation de nouveaux styles graphiques et l'exploration de thèmes tabous : sexe, drogue, politique radicale, expression personnelle et autobiographie.

 

L'influence de Harvey Kurtzman

Spiegelman cite Harvey Kurtzman, auteur et éditeur de bandes dessinées américain, comme le "grand-père" des comics underground. Son magazine Mad, véritable bible pour les auteurs de sa génération, a révolutionné le genre en brisant le quatrième mur et en introduisant l'humour parodique et satirique.

Kurtzman, doté d'une démarche éthique profonde, ne se contentait pas de créer des œuvres divertissantes. Il souhaitait transmettre des messages porteurs de sens et avait établi des règles strictes pour la création d'une planche de bande dessinée. C'est cette approche qui a poussé Spiegelman à s'intéresser à la grammaire de la bande dessinée et à explorer ses potentialités.

 

L'héritage de l'underground

La bande dessinée underground a joué un rôle crucial dans l'évolution de la bande dessinée en général. Elle a permis de libérer le genre des carcans imposés par les éditeurs traditionnels et a ouvert la voie à une créativité et une liberté d'expression sans limites.

L'influence de l'underground se ressent encore aujourd'hui dans la diversité et la richesse des productions graphiques. Art Spiegelman, à travers son œuvre et son parcours, incarne parfaitement cet esprit d'innovation et de transgression qui continue d'inspirer les nouvelles générations d'auteurs.